???

— Je vais voir ma copiiiiine !

La voix enjouée d'une petite fille résonna dans toute la maisonnée.

C'était un immeuble pas très folichon, pour des foyers modestes, alors forcément, les murs étaient très fins.

Tous les voisins avaient certainement entendu l'annonce joyeuse par la même occasion, mais il n'y avait personne pour s'en plaindre.

Papa de Miyoko

— Miyoko !

Ta mère et moi pensions partir pour le grand magasin, tu...

La jeune fille courait déjà, toute à sa joie de retrouver ses amis et de s'amuser dans la nouvelle base secrète qu'ils avaient construite dans les hautes herbes des champs. La voix de son père était le dernier de ses soucis.

Le père en question savait que si lui et sa femme partaient seuls pour le magasin, leur fille bouderait à leur retour ; c'était pour cette raison qu'il avait voulu la prévenir.

Il savait aussi que sa fille adorait aller au restaurant du grand magasin pour manger un menu enfant, et qu'elle collectionnait les petits drapeaux qui étaient plantés dans la portion de riz. Il savait aussi qu'il ne lui en manquait plus qu'un pour avoir la collection complète des vingt drapeaux.

Sa fille avait fait un souhait avec les drapeaux du menu enfant.

Elle s'était persuadée que si elle réussissait à collectionner les vingt,

il se passerait un miracle.

Bah, tant pis.

Ils n'auraient qu'à récupérer un drapeau de menu enfant au passage.

Après tout, ce n'était pas la fin du monde.

Il suffirait de demander au personnel du restaurant.

Ce jour-là, la gestion des aiguillages de train était assez chaotique, à cause d'un incident technique sur les feux de circulation.

Les passages sur les aiguillages étant réglés dans des fenêtres d'à peine quelques secondes,

les conducteurs de train qui avaient le malheur d'être en retard devaient freiner plus tard dans les virages,

et réaccélérer plus tôt, si possible.

En un mot comme en cent, ils devaient rouler dangereusement.

Les Tanashi n'avaient pas leur propre voiture.

Ils se rendaient au grand magasin en se déplaçant en train.

Alors que leur jeune fille sautillait d'allégresse dans la rue, ayant en tête l'adresse de son amie et des projets de jeux pour cette après-midi,

une femme à l'allure pour le moins inhabituelle la héla en pleine rue.

Au premier regard, la jeune fille sut que la femme devant elle n'était pas d'ici.

C'était un quartier modeste, avec beaucoup de maisonnées où les appartements étaient loués pour de longues périodes de temps.

Tout le monde se connaissait par ici.

Et donc, lorsque l'on voyait une tête inconnue, cela ne pouvait être qu'un jeune facteur qui débutait,

ou bien alors un écervelé qui se croyait plus malin que les autres et qui s'était trompé de rue en croyant trouver un nouveau raccourci.

Cette femme s'adressa à la jeune fille en ces termes :

???

— ... Tu veux vivre ?

Ou mourir ?

N'importe quelle personne sensée froncerait les sourcils et se méfierait.

Mais les enfants prennent toujours les questions au pied de la lettre, et le plus sérieusement du monde.

C'est pourquoi elle lui répondit du tac au tac :

Miyoko

— Je veux VIVRE !

???

— Je vois.

Eh bien dans ce cas, va.

Je sais que ta copine n'est pas chez elle, mais puisque tu veux vivre, va.

Miyoko

— ... Comment ? Elle n'est pas chez elle ?

La jeune enfant se demandait bien comment cette femme pouvait savoir ça.

Alors qu'elle se retournait pour repartir, la jeune fille l'interpela à son tour.

La réponse laconique qu'elle avait reçue la laissait songeuse.

Une curiosité morbide la poussa à vouloir savoir quelle réponse elle aurait obtenue en faisant le choix de la mort.

Miyoko

— Eh, Madame ! Si je veux mourir, il se passera quoi ?

???

— Tu obtiendras un drapeau.

Miyoko

— ... QUOI ?!

Miyoko

Ah, les tricheurs, mes parents vont partir sans moi au grand magasin, alors ?

C'est pas du jeu, je veux y aller aussi !

La jeune fille se mit instantanément à prendre le chemin du retour.

???

— Tu es sûre que tu veux mourir ?

Tu ne risques pas de...

le regretter ?

Miyoko

— Et pourquoi je le regretterais ?

???

— ... Je ne te le dirai pas.

Parce que je suis méchante.

Miyoko

— ... Aha. Hmmm....

La jeune fille pencha la tête du côté, réfléchissant à ce que cette femme pouvait bien vouloir lui cacher,

mais honnêtement dit, elle n'eut aucune inspiration quant à la réponse.

Puis elle se frappa soudainement le poing dans la paume de son autre main, ayant trouvé une réponse.

Miyoko

— C'est pas grave, Madame.

???

— Pourquoi donc ?

Miyoko

— Parce que quoi qu'il arrive, je serai avec mon papa et ma maman !

???

— ... ... ...

La mystérieuse femme se plaça sur le côté du chemin.

La petite fille lui fit une rapide courbette et repartit en courant sur le chemin de sa maison.

Arrivée dans sa rue, elle vit justement ses parents qui fermaient la porte d'entrée à clef.

Elle leur sauta dessus, les suppliant de l'emmener avec eux.

Ainsi eut-elle le droit d'accompagner ses parents au grand magasin ce jour-là.

Puis toute la petite famille se rendit à la gare,

attendit le train,

et y monta.

Le conducteur de ce train était nerveux, il avait du retard et il le savait.

Et à la manière dont il conduisait, les passagers aussi s'en rendirent compte.

La jeune fille se tint sur la banquette debout sur ses genoux, regardant par la fenêtre, et fit remarquer que le train bougeait beaucoup.

Sa mère la gronda gentiment et l'incita à s'asseoir correctement.

Sa fille lui tira malicieusement la langue.

... ... Puis alors,

le train prit un virage.

Un virage plutôt long.

Un virage qui devenait

de plus en plus sec.

À l'intérieur du train, les gens furent propulsés du côté du virage, tombant les uns sur les autres, pêle-mêle.

Certaines personnes se retrouvèrent écrasées sous les autres, et poussèrent quelques cris plaintifs...

Et là...

le train continua dans son virage…

de plus en plus penché...

...

...

...

...

...

...

...

...

...

Sous un ciel dégagé, entièrement étoilé, toute la petite famille rentrait du grand magasin, la petite fille tenant ses deux parents par la main.

Après avoir ouvert la porte, les parents allumèrent la lumière et posèrent les sacs de provisions dans l'entrée.

Quant à leur fille, elle courut immédiatement dans sa chambre.

Puis elle ouvrit le tiroir de son bureau

et y plaça ce qu'elle tenait précieusement dans sa poche.

Elle le ferma immédiatement, puis le rouvrit et sortit tous ses drapeaux,

pour mieux les étaler sur le sol.

Elle avait devant elle toute une collection de petits drapeaux du menu enfant,

qui reprenaient certains drapeaux des pays du monde.

Elle avait le soleil levant, la bannière étoilée, l'union jack, et aussi...

Hmmm, elle ne connaissait pas trop les drapeaux avec seulement trois bandes, ils se ressemblaient tous tellement...

Elle les reprit tous en mains pour les compter à voix haute.

Elle annonçait le chiffre et posait un drapeau à chaque fois.

Puis elle se releva et se mit à danser dans la pièce.

Elle avait enfin réuni les vingt drapeaux différents.

Elle avait mis vraiment longtemps à les obtenir, en fait.

Et comme elle était jeune, le laps de temps lui paraissait immense. Elle avait l'impression d'avoir réalisé un effort absolument énorme. La fierté la faisait danser de joie.

Il allait forcément lui arriver quelque chose de bien, pour la récompenser de cet effort surhumain.

Maintenant qu'elle avait les vingt, elle deviendrait forcément heureuse.

Un miracle devait normalement se produire sous ses yeux, d'un moment à l'autre...

Elle attendait toute surexcitée, mais comme ce n'était pas une lampe magique, elle ne risquait pas de voir un djinn apparaître de si tôt.

Peut-être que le miracle se produirait seulement demain.

La jeune fille décida de prendre son mal en patience.

Après tout, elle avait réussi à rassembler les vingt !

Forcément, il allait lui arriver un truc formidable.

Au moins du niveau d'un miracle !

Ou bien alors, ça lui servirait de porte-bonheur et lui éviterait un accident terrible...

La jeune fille reprit ses vingt drapeaux et les replaça dans son bureau.

Elle entendit alors sa mère qui lui disait de se brosser les dents et de se coucher, et prit, bon gré mal gré, le chemin du lavabo...

Eh ben alors, c'est pas mal, ça,

non ?

C'est une sorte d'avance sur un miracle, c'est pas interdit, quand même ?

Bien ! Et maintenant, que pourrait-on faire ?

Après tout, nous avons un nombre infini de fragments à notre disposition.

Quoi ?

Ah, tu veux essayer ?

Hmpfhfhfhf, tu verras, c'est très amusant !

On a l'impression d'être un dieu en faisant ça.

Comment imagines-tu le monde où Satoshi vit avec tout le monde à Hinamizawa ? Et celui où les jumelles Sonozaki n'échangent pas leurs places avant la nuit du tatouage ?

Et si les parents de Satoko étaient vivants ? Et ceux de Rika ?

Et que penses-tu de ça :

Imagine que Takano arrive à soudoyer Akasaka et qu'il devienne un méchant !

Tu ne crois pas que ce serait intéressant ?

Personnellement, j'aimerais bien visiter un fragment dans lequel Miyo Takano est tombée raide dingue amoureuse de Jirô Tomitake.

Et puis, ça peut être rigolo de voir comment Keiichi s'y prendrait s'il tombait amoureux de chacune des filles.

J'adore le voir galérer, j'imagine déjà les scène où il doit dissiper un malentendu avec sa dulcinée !

Hmpfhfhfhfhf !

Hmmm, qu'est-ce qu'on pourrait bien faire, hein ?

Regarde tous les fragments que nous avons !

Quoi, lesquels tu as, toi ? T'en veux d'autres ?

Tu aimerais voir quel monde ? Allez, quoi, raconte-moi !