Quitte à vivre une déchirure,

j'aurais préféré être physiquement déchiqueté.

Je croyais en notre amitié.

... ou plutôt, je crois en notre amitié.

J'y crois encore, même maintenant.

Et pourtant... je ne suis pas dupe.

Si je veux y croire, c'est parce que je ne peux pas accepter de reconnaître la vérité.

Je tentai de me convaincre, d'une voix larmoyante, que j'avais raison, mais je me trouvai stupide...

tout cela était si stupide...

De nouvelles larmes déformèrent mon visage un peu plus encore.

Enfin je cessai d'entendre les mots qu'elle avait psalmodiés encore et encore, telle un automate... et le silence fut.

Le chant des cigales me parut soudain assourdissant.

Pourtant...

J'avais l'impression d'entendre encore sa voix.

... Mais ce n'était pas possible.

Elle ne parlait plus.

J'étais le seul à pleurer.

Elle n'avait pas versé une seule larme.

Pendant tout le temps où elle avait répété sa litanie monotone, elle n'avait eu aucune expression sur le visage, aucune âme dans la voix.

Puisqu'elle avait jugé inutile de verser des larmes pour moi, alors, moi non plus.

En toute logique, je ne devrais pas verser une seule larme sur leur sort.

Alors pourquoi ? Pourquoi les larmes coulent-elles toutes seules ? Pourquoi est-ce que ça fait si mal ?

Peut-être bien... justement parce que je veux croire que nous soyons toujours amis.

Bon, ça suffit, là, tu penses pas ?

D'une voix douce, mon autre moi m'adressait la parole...

Mon âme a suffisamment souffert comme ça jusqu'ici.

Combien de fois me suis-je demandé s'il ne valait pas mieux m'en débarrasser ?

Et pourtant... j'ai toujours refusé obstinément de m'en séparer.

Mais si tu la jetais... tu irais beaucoup mieux.

Je sais, je sais tout cela, mais j'ai quand même choisi d'y croire.

Je suis probablement le seul à savoir combien cela a été difficile. Et aussi le seul à pouvoir décider d'en finir.

Qu'est-ce que tu en dis ?

... J'ai quand même résisté assez longtemps, non ?

... ... Il faut bien l'admettre, non ?

Alors...

Est-ce que je peux... est-ce que je peux arrêter, maintenant ?

Et puis... je ne vais pas jeter mon âme aux ordures, non, je...

Je la laisserai derrière moi, avec cette fille, et je partirai sans elles.

... un peu comme on dépose une gerbe de fleurs sur une tombe.

Allez.

On se calme et on se concentre.

Ton bras droit est sûrement engourdi...

... mais fais un effort, et lève-le bien haut.

À chaque fois que tu frapperas, il te faudra oublier.

Oublier sa gentillesse, que tu appréciais tant.

Son joli sourire, que tu aimais tant.

Oublier le plaisir de lui caresser la tête.

Et celui de voir cette pudeur candide sur son visage.

Après ça, c'est fini, promis-juré.

Après ça, j'oublierai tout.

C'est un peu... comme un cadeau de ma part.

Mon premier, et mon dernier

bouquet de fleurs.

Si ça se trouve, je...

...

... j'avais été amoureux d'elle.